Interview – Philippe Pham

1) Philippe, vous avez déjà un bon background en ingénierie pédagogique et digital learning, que vous apporte en plus la certification DLTE ?
En effet, j’ai eu la chance d’avoir été formé par l’université interne du groupe Volvo, ce qui m’a donné un bagage en termes de pédagogie. Malgré tout, le digital learning reste très différent du 100% présentiel. J’ai déjà “subi” des classes virtuelles de 7 heures, sans interactions, en tant qu’apprenant. Je me disais bien qu’on pouvait mieux faire. Je me suis tourné vers l’ISTF car c’est le seul organisme de formation qui est aussi spécialisé en digital learning, selon mon enquête auprès de la communauté de formateurs, voire de formateurs de formateurs.
Pour en revenir à la méthode DLTE, j’aime le fait qu’on parte d’une formation présentielle que l’on maîtrise, pour l’épurer, l’affiner afin d’en faire un VRAI parcours distanciel. J’ai été conquis par la précision et la prestance des formateurs de l’ISTF, ce qui est une bonne chose car je pense être un apprenant exigeant et pointu. Je suis intéressé par “l’expertise” et non le simple fait “d’acquérir une compétence”. Pour tout vous dire, je trouve que sur le marché il y a beaucoup de formateurs de formateurs qui forment, mais qui n’ont pas assez d’expérience pour répondre aux questions affûtées. C’est un vrai fléau…mais avec l’ISTF, j’ai été très satisfait!
L’an dernier, j’avais fait une reprise d’études en Master Sciences de l’éducation, pour comprendre les théories d’apprentissage pour adultes. Aujourd’hui, grâce à ce parcours DLTE je sais “transformer” un parcours présentiel en distanciel. Ce n’est pas toujours quelque chose que l’on apprend à l’école, alors que c’est le nerf de la guerre. En effet, le digital est devenu incontournable pour les organismes de formation, autant pour leur rentabilité, que pour remplir leurs sessions de formation.
Je pense que cette certification DLTE me permet aussi de renforcer l’image de professionnel que je présente à mes futurs partenaires ou clients. Pour moi, un bon formateur doit continuer à apprendre, surtout au sujet du digital.
2) On a l’impression qu’on peut désormais faire du digital learning avec de plus en plus d’outils, notamment des logiciels du quotidien comme Powerpoint ou Teams. Comment voyez-vous le paysage des logiciels dans le futur ?
Comme j’ai évolué 12 ans dans un monde professionnel, très corporate et international, Powerpoint et Teams sont des amis indispensables au quotidien. 80% de mes réunions se faisaient à distance. Selon moi, ces deux outils ont l’avantage d’être connus de la plupart des salariés, ce qui peut rassurer pour créer des contenus de formation avec. D’ailleurs Powerpoint intègre beaucoup de fonctionnalités d’animation, d’intégration d’éléments audios ou vidéos. Elles sont méconnues et pourtant intéressantes. Ce qui est moins intéressant, c’est que ce type de contenu n’est pas interactif, contrairement à un module Storyline par exemple. Par conséquent, le formateur peut baser sa formation sur Powerpoint ou Teams, mais il/elle doit alterner entre les contenus descendants et les activités pédagogiques. Personnellement, je pense qu’au delà de 5 minutes de cours magistral, certains apprenants commencent à perdre leur attention… Pour Teams, je pense que les formateurs devraient utiliser davantage les fonctionnalités d’interaction comme les sondages, ou simplement taper dans le chat.
La question du paysage des logiciels de formation est centrale pour nous, les ingénieurs pédagogiques. Mon avis, c’est que les logiciels et applications sont beaucoup trop nombreux. Pour un responsable pédagogique, dirigeant d’organisme de formation ou formateur, c’est un vrai casse-tête pour faire son choix. Je pense que les ingénieurs pédagogiques et consultants en digital learning ont deux rôles importants. D’abord, celui de promouvoir les outils digitaux auxquels ils croient et dont ils ont fait l’expérience. Cela permettra aux autres organismes d’avoir un référent, pour les aider à faire un choix. Deuxièmement, il faut accompagner l’organisme de formation au déploiement de l’outil. En effet, les formateurs sont parfois réticents au digital, et il est de notre mission d’accompagner aussi grâce à notre empathie, notre relationnel, et pas seulement par la compétence technique. Je perçois aussi là une vrai valeur ajoutée à avoir des compétences de gestion de projet ou d’optimisation de processus.
3) Au-delà de la technologie, l’ingénierie pédagogique multimodale semble la composante la plus difficile à généraliser, là aussi comment voyez-vous les choses ?
J’ai la chance d’avoir évolué dans une culture de jeux vidéos, de films d’animations et de tournois de cartes de stratégies, car ce sont mes centres d’intérêts depuis que je suis ado. Je pense que cela me permet naturellement de voir à quel point le digital et le monde réel font partie du même monde.
Certaines personnes ont tendance à opposer le numérique et le relationnel. Pire, dire que le digital n’est pas la “vraie” vie. Je pense que cette transition se fait à plusieurs vitesses et que c’est un problème de profession comme c’est un fait de société. Selon moi, le multimodal c’est le meilleur des deux mondes. Le multimodal, c’est aussi l’alternance des activités et des modalités pédagogiques. C’est l’autre manière de contrer l’ennui (ou le désengagement). Je suis certain que l’avenir est d’alterner le présentiel et le distanciel. Mais pas seulement. Il faudrait que les formations en présentiel s’appuient sur la technologie pour se moderniser. Par exemple, lorsque j’anime des cours en école de commerce, j’utilise Wooclap et Kahoot qui me permettent de “tracker” l’attention des élèves. J’aime être ce formateur moderne qui refuse que les apprenants s’ennuient et s’endorment…
Mon rêve serait de voir des apprenants se prendre au jeu des activités proposées, pour donner le meilleur d’eux-mêmes. Mais pour ça, les formateurs doivent innover. Et c’est vrai, on en a un peu marre des Powerpoints de 200 slides, des paperboards non interactifs ou bien des cours magistraux de 2H.
Je suis aussi professeur de danse, et je pense qu’il est important d’utiliser l’énergie naturelle des personnes: se lever, bouger, parler, échanger etc. Personne ne devrait rester plus de 5 minutes assis, sans rien faire, et écouter quelqu’un parler. La pédagogie active, innovante, c’est en ça que je crois profondément.