Réalité virtuelle en formation : explorez ses potentialités grâce à « La Bibliothèque la nuit »

Souvent envisagée sous le prisme du divertissement, la réalité virtuelle suscite aujourd’hui de plus en plus d’intérêt chez les acteurs de la formation, en raison de ses possibles applications pédagogiques. En France, quelques expériences sont en cours, que ce soit au sein de certaines grandes écoles ou dans le cadre de la formation professionnelle continue.
Malgré ces développements, les potentialités de la réalité virtuelle en formation demeurent assez méconnues. Vous vous questionnez sur le sujet et aimeriez participer à une expérience qui vous permettrait de mieux les cerner ? Je vous invite alors à vous faire un beau cadeau de Noël et à vous rendre sans tarder à Nantes, pour assister à La bibliothèque la nuit, une expérience de réalité virtuelle, présentée au Lieu Unique jusqu’au 7 janvier 2018.
Conçu et déployé par la compagnie Ex Machina, du metteur en scène canadien Robert Lepage, en collaboration avec l’écrivain canado-argentin Alberto Manguel, ce dispositif immersif a été présenté pour la première fois à Montréal en 2015, avant de voyager ensuite à Québec, Paris et Moscou.
Sans être à proprement parler une « formation » en mode réalité virtuelle, l’expérience proposée est cependant bien plus qu’un divertissement. En nous faisant découvrir dix bibliothèques à travers le monde, elle nous permet de parfaire nos connaissances dans le domaine de l’histoire, de l’architecture et de la littérature et nous donne l’occasion de réfléchir aux potentialités et limites de cette technologie immersive dans le domaine de la formation.
Les potentialités de la réalité virtuelle en formation
Comme le laisse entrevoir La bibliothèque la nuit, les potentialités pédagogiques de la réalité virtuelle sont multiples et emballantes. D’abord, avec ses casques permettant d’avoir une vision à 360° de son environnement, cette technologie permet d’explorer facilement des milieux qui sont, a priori, difficiles d’accès, dangereux ou vulnérables. Dans le dispositif proposé, on peut par exemple contempler des bibliothèques d’exception très éloignées les unes des autres et même examiner des lieux fictifs, comme l’antique bibliothèque d’Alexandrie ou la bibliothèque du capitaine Nemo. Dans d’autres contextes, on pourrait imaginer que la réalité virtuelle aide des apprenants à découvrir des sites patrimoniaux fragiles, des infrastructures industrielles distantes ou encore des milieux naturels sensibles.
Ensuite, la réalité virtuelle peut aussi favoriser les apprentissages en plongeant le visiteur au cœur d’événements historiques ou en lui faisant vivre des situations réalistes. Dans La bibliothèque la nuit, on assiste ainsi aux incendies des bibliothèques de Sarajevo et d’Alexandrie et, au gré de nos visites, on croise divers personnages réels (passants, danseurs) et fictifs (fantômes, le capitaine Nemo). Même si, dans le dispositif proposé, on ne peut pas interagir avec ces personnes, en principe, rien n’empêche d’éventuels créateurs de réalité virtuelle de scénariser des situations qui impliqueraient des dialogues ou des séances de manipulation d’objets virtuels.
Enfin, la technologie de la réalité virtuelle peut permettre la création de parcours d’apprentissage individualisés. Par exemple, dans le dispositif d’Ex Machina, on est amené, dès le début de la séance et après chaque visite, à choisir la bibliothèque qu’on souhaite découvrir. Un peu comme dans certains e-learning scénarisés ou dans les serious games, confronté à divers embranchements, on doit alors faire des choix et on peut ainsi créer son propre cheminement de formation en fonction de ses besoins ou de sa curiosité.
Bref, sur le plan pédagogique, on semble bien avoir affaire à une modalité pédagogique polyvalente, qui peut potentiellement favoriser le développement contextualisé et personnalisé de connaissances théoriques et de certaines habiletés pratiques, de manière transmissive ou interactive.
Quelques limites à prendre en considération
Malgré les promesses alléchantes de la réalité virtuelle dans le domaine de la pédagogie, soulignons le fait que cette modalité présente tout de même des limites. Premièrement, la diffusion de ce type de production pose certains défis. En raison du coût assez élevé du casque de réalité virtuelle et du nombre encore restreint de foyers et de structures qui en dispose actuellement, cette technologie ne saurait être considérée comme une modalité de formation massive ou ATAWAD(1) – du moins pour le moment. Dans ce contexte, comme l’a prévu l’équipe de La bibliothèque la nuit, il est donc nécessaire de réserver des lieux et des moments précis d’exploration, de pourvoir les visiteurs d’un casque individuel et de mettre à leur disposition des assistants qui sauront les guider dans l’utilisation du casque et les aider en cas de pépin technique. Ainsi, avant de se lancer dans un projet de ce type, il est donc bien important de penser à la manière dont il sera diffusé et d’anticiper les coûts qu’entrainera cette diffusion.
Deuxièmement, comme on peut s’en rendre compte à l’issue de la visite des dix bibliothèques, la réalité virtuelle est une modalité physiquement éprouvante, qui ne peut être utilisée très longtemps. En effet, après une heure d’exploration, le casque n’est plus de tout confort et on a envie de revenir sur terre. Difficile, dans ces circonstances, d’imaginer de longues séances de formation permettant d’approfondir un sujet comme on peut le faire en formation présentielle. Par conséquent, plutôt que d’envisager la réalité virtuelle comme une modalité pédagogique qui se suffirait à elle-même, il est sûrement préférable de la considérer comme une modalité à mixer avec d’autres, dans un parcours de formation multimodal.
Finalement, signalons qu’en raison de son caractère innovant, spectaculaire et déstabilisant, la réalité virtuelle présente le risque que l’attention de l’apprenant se focalise davantage sur la forme – les effets visuels – que sur le fond – l’intention, les textes, les savoirs transmis. Pour éviter de produire une impressionnante usine à gaz inefficace sur le plan pédagogique, il convient de vérifier l’opportunité réelle de recourir à cette modalité et de placer les objectifs de formation poursuivis au cœur de sa démarche de conception.
En conclusion, comme l’expérience singulière de La bibliothèque la nuit vous permettra peut-être vous aussi de le découvrir, la réalité virtuelle ouvre de nouveaux horizons assez prometteurs pour le domaine de la formation, sans pour autant constituer une solution miracle pour répondre à tous besoins de renforcement de compétences.
Pour en savoir plus sur la bibliothèque la nuit et réserver votre place : http://www.lelieuunique.com/evenement/la-bibliotheque-la-nuit/